Séance du 11 décembre 1792
C'est Bertrand Barère de Vieuzac qui préside la
Convention nationale l'acte énonciatif d'accusation rédigé par
Robert Lindet et décrète l'interrogatoire de
Louis XVI.
Louis XVI fait son entrée dans la salle de la Convention nationale. La plupart des députés ne peuvent retenir un mouvement de compassion. Ce n'est pas un roi vaincu qu'ils ont devant eux mais un homme marchant au supplice, sans espérance, sans fierté. Cette simplicité douloureuse les gène et les inquiète.
- « Louis, dit Barère de Vieuzac, la nation vous accuse, l'Assemblée nationale a décrété le 3 décembre que vous serez jugé par elle ; le 6 décembre, elle a décidé que vous seriez conduit à la barre. On va vous lire l'acte énonciatif des délits qui vous sont imputés... Vous pouvez vous asseoir.
Les 11 chefs d'accusation
- 1/ D'avoir tenté d'empêcher la réunion des États généraux, et par là avoir attenté à la liberté.
- 2/ D'avoir rassemblé une armée contre les citoyens de Paris et de ne l'avoir éloignée qu'après la Prise de la Bastille.
- 3/ De n'avoir pas tenu ses promesses à l'Assemblée constituante, d'avoir éludé l'abolition de la féodalité et laissé piétiner la Cocarde tricolore provoquant ainsi les journées des 5 et 6 octobre 1789.
- 4/ D'avoir prêté serment lors de la fête de la Fédération pour essayer ensuite de corrompre l'Assemblée constituante en particulier par l'intermédiaire de Mirabeau.
- 5/ D'avoir trompé l'Assemblée constituante en lui adressant copie d'une lettre adressée aux agents diplomatiques indiquant qu'il avait accepté librement la Constitution, tout en prodiguant l'argent du peuple pour préparer la fuite de la famille royale.
- 6/ Convention passée entre Léopold II et le roi de Prusse pour rétablir la monarchie française.
- 7/ D'avoir envoyé des sommes considérables au marquis de Bouillé et aux émigrés.
- 8/ D'avoir eu une part dans l'insurrection du 10 août 1792.
- 9/ D'avoir ordonné le stockage de grains, de Sucre et de Café.
- 10/ D'avoir mis son veto au décret prévoyant la formation d'un camp de 20 000 fédérés.
- 11/ D'être responsable de la fusillade du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791.
Louis XVI écouta les 11 chefs d'accusation assis dans le fauteuil où il avait accepté la Constitution. Après que le secrétaire lui ait donné lecture de l'acte énonciatif d'accusation, le président Bertrand Barère de Vieuzac reprend ensuite chaque article de l'accusation et questionne Louis XVI.
- Vous êtes accusé d'avoir attenté à la souveraineté du peuple, le 20 juin 1789.
- - Aucune loi ne me défendait alors de faire ce que à fis à cette époque.
- Le 14 juillet 1789, la veille de la prise de la Bastille, vous avez fait marcher des troupes contre Paris ; vous avez fait répandre le sang des citoyens.
- - J'étais le maître de faire marcher des troupes ou: je voulais. Jamais mon intention n'a été de faire couler le sang.
- Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du 4 août. Vous avez pertuis que, dans des orgies faites sous vos yeux, la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds.
- - J'ai fait les observations que j'ai cru justes et nécessaires sur les décrets qui m'ont été présentés. Le fait est faux pour la cocarde ; jamais il ne s'est passé devant moi.
- Vous avez répandu de l'argent parmi les ouvriers du faubourg Saint-Antoine, pour les mettre dans votre parti.
- - Je n'avais pas de plus grand plaisir que celui de donner à ceux qui avaient besoin ; il n'y avait rien en cela qui tînt à quelque projet.
- Vous avez feint une indisposition pour aller à Saint-Cloud ou à Rambouillet, sous le prétexte de rétablir votre santé.
- - Cette accusation est absurde.
- Le 17 juillet, vous avez fait verser le sang des citoyens au Champ de Mars.
- - Ce qui s'est passé le 17 juillet ne peut m'être imputé.
- Vous avez payé vos gardes du corps à Coblentz ; les registres de Septeuil en font foi.
- - Dès que j’ai su que les gardes du corps se formaient de l’autre côté du Rhin, j'ai défendu qu’ils reçussent aucun paiement.
- Vous vous êtes tu sur le traité de Pilnitz, par lequel des rois étrangers s'étaient engagés à rétablir en France la monarchie absolue.
- - Je l'ai fait connaître sitôt qu'il est venu à ma connaissance. Au reste, c'est une affaire qui, d’après la constitution, regarde les ministres.
- Vous avez fait couler le sang au 10 août.
- - Non, monsieur; ce n'est pas moi !
Le roi prononça ces mots avec une véhémente indignation.
L'interrogatoire fut terminé. « Louis, avez-vous quelque chose à ajouter ? », lui demanda Bertrand Barère de Vieuzac.
« Je demande communication des accusations que je viens d'entendre et des pièces qui y sont jointes et la facilité de choisir un conseil pour me défendre ». On lui présenta les pièces produites à l'appui de l'acte énonciatif d'accusation. Louis XVI dit : « Je ne les reconnais pas ». Il ne reconnut pas davantage sa signature et son cachet aux armes de France au bas d'une lettre à l'évêque de Clermont, et affirma ignorer l'existence de « l'Armoire de fer » aux Tuileries. L'audience fut terminée.
La Convention nationale accorde des défenseurs à Louis XVI
Le
12 décembre 1792, la
Convention accorde des défenseurs à Louis XVI : François Denis Tronchet, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, Guy-Jean-Baptiste Target,
Raymond de Sèze.
Deuxième séance
Romain de Sèze fait sa plaidoirie en faveur de Louis XVI le 26 décembre 1792
« Citoyens représentants de la Nation, commença-t-il, il est donc enfin arrivé ce moment où Louis accusé au nom du peuple français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple lui-même ! Il est arrivé ce moment où entouré des conseils que l'humanité et la loi lui ont donnés, il peut présenter à la Nation une défense et développer devant elle les intentions qui l'ont toujours animé ! Citoyens je vous parlerai avec la franchise d'un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n'y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c'est vous mêmes qui l'accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre voeu ! Vous voulez prononcez sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l'Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n'existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu'elle n'ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l'humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses ! Entendez d'avance l'Histoire, qui redira à la renommée : "Louis était monté sur le trône à vingt ans, et à vingt ans il donna l'exemple des moeurs : il n'y porta aucune faiblesse coupable ni aucune passion corruptrice ; il fut économe, juste et sévère ; il s'y montra toujours l'ami constant du peuple. Le peuple désirait la destruction d'un impôt désastreux qui pesait sur lui, il le détruisit ; le peuple demandait l'abolition de la servitude, il commença par l'abolir lui-même dans ses domaines ; le peuple sollicitait des réformes dans la législation criminelle pour l'adoucissement du sort des accusés, il fit ces réformes ; le peuple voulait que des milliers de Français que la rigueur de nos usages avait privés jusqu'alors des droits qui appartient aux citoyens, acquissent ces droits ou les recouvrassent, il les en fit jouir par ses lois. Le peuple voulut la liberté, il la lui donna ! Il vint même au devant de lui par ses sacrifices, et cependant c'est au nom de ce même peuple qu'on demande aujourd'hui... Citoyens, je n'achève pas... JE M'ARRÊTE DEVANT L'HISTOIRE : songez qu'elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles". En venant à la réfutation des chefs d'accusation, Romain de Sèze les divisa adroitement : tenant pour nuls ceux qui étaient antérieurs à la Constitution ou qui avaient été amnistés par elle, et ceux qui lui étaient postérieurs mais dont les ministres assumaient légalement, la responsabilité, il nia l'appel à l'étranger et déclara Louis XVI irresponsable des tractations menées par ses frères avec l'Autriche. Il nia pareillement l'envoi des subsides aux émigrés, l'accusation manquant à vrai dire de preuves formelles. Ce fut la partie la moins solide de la défense, ce qui importait d'ailleurs assez peu, les députés de la Convention ayant la conviction que Louis XVI avait pactisé avec l'ennemi. »
Déclaration de Louis XVI pour sa défense le 26 décembre 1792
-« On vient de vous exposer mes moyens de défense, dit Louis XVI, je ne les nommerais point ! En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité. Je n'ai jamais craint que ma conduite fut examinée publiquement, mais mon coeur est déchiré de trouver dans l'acte d'accusation, l'impression d'avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués. J'avoue que les preuves multipliées que j'avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m'étais toujours conduit me paraissait devoir pouvoir que je ne craignais pas de m'exposer pour épargner son sang, et d'éloigner à jamais de moi une pareille impression. »
Références
Voir aussi
Liens internes
- Résultat, par départements, du scrutin sur les quatre questions posées lors du procès de Louis XVI
- Exécution de Louis XVI
Lien externe